De retour d'un voyage dans les dolomites où la météo a été, comme à son habitude dans le coin, très orageuse. Lorsqu'on arrive sur place, 3 jours de beau temps sont annoncés : on décide de partir immédiatement tenter d'ouvrir une voie au Sass Maor en tentant d'aller directement au sommet depuis la vallée, sans redescendre une seule fois : résultat, on se coltine toute l'eau et le matériel de bivouac et des sacs de 40kg. Dès le 2ieme jour, on explose en vol à cause du poids (surtout moi) et on redescend dans la vallée. Philippe arrive alors à me convaincre qu'il faut partir dans un mode beaucoup plus "semi fast and (beaucoup plus) light". on se déleste de tout le matériel superflu, perfo compris. J'avoue que partir dans des parois de 700m farcies de surplombs sans même un perfo "au cas où" dans le sac (et sans même savoir si on pourra faire des relais corrects) m'émeut plus qu'il y a quelques années, mais il faut avouer que le rocher des dolomites permet bien des audaces.
En avant donc pour une ouverture à l'ancienne : la seconde tentative n'est pas la bonne puisqu'après avoir ouvert 250m de voie dans une paroi, on tombe sur une vieille voie non répertoriée sur le topo. On décide de redescendre et d'aller grimper la voie "Heidi", proche du refuge Pradilali et de la voie "Bulh" qui s'avèrera être une superbe voie terrain d'aventure. Celle-ci nous réservera à la descente un orage soudain comme probablement seules les Dolomites savent en offrir :). Entre temps, on a repéré (surtout Philippe) un autre projet d'ouverture sur une paroi de 700m non loin du refuge, la torre Figlia qui comprend seulement une voie Manolo sur la partie haute. On se lance à nouveau en mode " semi fast and light" et après seulement 2 longueurs, un nouveau gros orage s'abat sur nous, nous obligeant à nous réfugier sous un rocher. on redescend à la voiture.
Le lendemain, réveil à 4h du matin, motivés comme jamais : on ouvre 6 longueurs jusqu'à tomber sur une vire salvatrice qui permet, avec seulement une longueur de corde en traversée de rejoindre un pierrier et le refuge tout proche. Après une journée de repos, on remonte et on réouvre 6 longueurs supplémentaires jusqu'en haut du premier pilier. Comme on s'est bien fait secouer par les orages, on a bien pris soin de confectionner des relais pour pouvoir descendre en rappel jusque là. La voie est donc entièrement rappelable jusqu'en haut du premier pilier. Le lendemain, c'est la plus belle journée qui est annoncée. On décide de tenter d'ouvrir le second pilier et d'aller au sommet directement. En fait, on ne verra pas le soleil de la journée et on finira même au sommet dans le brouillard le plus total, mais on arrivera à ouvrir 8 longueurs supplémentaires et à aller au sommet de la torre de la figlia. Contrairement à ce qui est dit sur le topo, la descente s'avèrera bien complexe : on devra improviser un rappel et tirer plusieurs longueurs de corde avant de rejoindre la voie normale de descente de la cima Canali, toute proche (compter bien 3h de descente du sommet au refuge).
On arrive au refuge Pradilali trop contents à l'heure de manger : le regard et le quotidien de l'équipe a totalement changé depuis que nous sommes montés pour la première fois. On est passé de clients Lambda à véritables compagnons de route. Ils suivent régulièrement nos péripéties à la jumelle depuis le refuge et nous demandent de raconter avec moultes détails nos petites aventures. On comprend que l'ouverture de voies en mode traditionnel ne se pratique quasiment plus dans la zone. Même les grimpeurs se font rares (il est vrai qu'entre les voies existantes où il y a très peu de matériel en place, les orages soudains et les descentes souvent bien délicates, on est très très loin du "love climbing" à la mode).
Le gérant débouche une bouteille de champagne et on boit de bon coeur avec l'équipe et les quelques guides locaux présents sur place.
Le lendemain, il nous reste à redescendre : à peine arrivés en bas, de gros orages s'abattent sur nous pendant plusieurs jours et on terminera le séjour tranquillement en grimpant en falaise.
Pour la voie, s'il y a des répétiteurs intéressés (ce qui est peu probable ), prévoir 2 jeux de friends jusqu'au n°2, plus un n°3. On a laissé les pitons dont on a eu besoin, donc inutile d'en prendre. Une grosse expérience du terrain d'aventure est requise, même si le niveau global de la voie est peu élevé et que presque tous les relais sont en place (sauf les 3 derniers). Vu le style d'ouverture, il y a inévitablement quelques courts passages expos où il faut vraiment éviter de tomber, mais dans l'ensemble ça protège très bien avec un peu d'expérience dans la pose des friends et des lunules.
La photo avec l'ensemble de l'équipe du refuge Pradidali qui pose avec nous avec, derrière nous, la torre figlia et la cima canali.
Le topo et le tracé
Ma pomme dans L1
Philippe attaque L2, superbe
L3
L4
L5
L6
L7, un enjambement pour changer de paroi
L8, une traversée pour franchir un toit avec 200m de vide dessous
L9, un départ pas si facile et pas trop protégeable : je serre un peu les fesses :)
L10
L11, une des plus belles longueurs (mais avec un passage expo pour franchir le surplomb jaune)
L12, sortie en haut du premier pilier
Vue sur le pilier 2 qui mène à la tour de la figlia
L14, Philippe au départ de la longueur la plus dure : un bon 6c assuré sur pitons et friends
L17 juste après la vire
L18, dans le brouillard total
L19
L20, dernière longueur
Spritz apérol!